Le lien d'attachement en mode fusionnel qui s'établit dès la naissance entre une mère et son bébé est naturel et bénéfique. Dans les premières années de sa vie, ce lien fusionnel sécurise l'enfant. Or, le fait que ce lien fusionnel perdure au-delà des toutes premières années de vie rend la relation toxique aussi bien pour la mère que pour l'enfant. Selon le schéma naturel, une fois l'enfant sécurisé et nourrit correctement, c'est le père qui, chargé de la deuxième naissance de l'enfant, est sensé séparer l'enfant de sa mère qui l'a mis au monde pour l'encourager et le pousser à aller vivre sa propre vie dans le monde.
Pour quelles raisons la relation mère-enfant fusionnelle bien souvent perdure?
-Lorsque le père est manquant, absent (physiquement ou pas), ou exclut du clan familial par une mère de type "amazone" et que plus personne parmi les adultes de l'entourage n'est en mesure d'accomplir cette tâche essentielle et salvatrice qui consiste à rompre cette "osmose" en séparant l'enfant de sa mère.
-Lorsque la mère cherche inconsciemment à rattraper son enfance volée (car responsabilisée trop tôt par une éducation patriarcale inversant les rôles parents-enfants) et sa vie de jeune femme qu'elle va essayer de vivre en quelque sorte "par procuration" à travers sa fille.
-Lorsqu'une femme n'est que mère dans son fonctionnement, elle risquera de compenser sa sexualité inexistante à travers son amour maternel, détournant sa libido en amour passionnel et exclusif à l'égard de son enfant qui peut dans certain cas (valable pour les filles autant que pour les garçons) avoir l'impression de ou carrément se sentir amené à devoir assurer un rôle qui n'est pas le sien: devenir en quelque sorte le conjoint de sa mère.
Ce désir de fusion instauré et entretenu par la mère à l'égard de son enfant est ce qu'on appelle un abus psychologique.
Du fait que notre corps reçoit et enregistre toute violence sans distinguer les abus physiques des abus psychologiques, l'enfant qui fait les frais de ce genre de relation fusionnelle trop longue avec sa mère peut arriver à l'âge adulte avec le doute persistant d'avoir été victime de violences sexuelles dans son enfance. Même si il n'y a jamais eu de passage à l'acte sur le plan physique, le désir de fusion ou une fusion trop longue peut laisser les mêmes traumatismes chez l'enfant que s'il avait subit un viol incestueux.
Tout ces scénarios toxiques découlent essentiellement des manques et des faux repères dont les femmes éduquées dans un système misogyne se retrouvent inconsciemment à la fois les gardiennes, les héritières et les transmetteuses.
Ce qu'on peut observer dans un sens beaucoup plus général, c'est que tout être humain qui grandit sans le savoir dans un manque d'amour, de reconnaissance, de validation et d'individuation va inconsciemment avoir tendance à chercher à fusionner avec ses proches mais aussi avec tout ceux qu'il rencontre dans sa vie en générale.
En quoi ce désir de fusionner pose problème dans une vie d'adulte?
Cette quête la plupart du temps inconsciente se traduit dans les relations par des attentes surréalistes et des exigences impossibles de perfection, de fluidité, de transparence, d'indifférenciation (on veut être identique à l'autre et que l'autre soit comme nous), mais aussi des refus catégoriques des failles de l'autre à qui on interdit implicitement de nous décevoir. C'est ce que le théologien Xavier Thévenot dans son étude au sujet de la chasteté en amour qualifiait de relations "incestuelles" en opposition aux relations "chastes" non pas dans le sens de la continence (cf: l'absence de génitalité), mais plus dans celui du respect de l'altérité dans nos toutes nos relations, y compris notre relation au monde de façon générale. Sortir de ces fusions désastres et sclérosantes, voilà ce par quoi passe, entre autre, le processus de maturation affective, parallèlement et intimement aussi lié à notre évolution spirituelle.
Accepter que l'autre est un mystère complexe dont nous n'aurons jamais fait le tour. Accepter l'autre dans son altérité pour ne pas l'altérer justement, c'est-à-dire l'aimer sainement, sans l'abimer...c'est le projet de toute personne désireuse de construire et de vivre des relations saines dans tout les domaines.
La relation mère-fille fusionnelle est encouragée par le patriarcat car c'est par définition ce qui coupe les 2 femmes : la mère et la fille, de leur propre puissance et de leur propre liberté, car être libre implique de s'individuer et de sortir de toutes co-dépendances.
Pour aller plus loin: https://theo-psy.fr/wp-content/uploads/2016/01/Thévenot-La-chasteté-1983.pdf
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